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Par Elena Lysak
Isabelle est une personne remarquable dans l’industrie des médias numériques. Après avoir fait découvrir aux internautes françaises l’univers de Yahoo ! elle a travaillé pendant plusieurs années en tant que Directrice Générale de Yahoo ! France et Directrice des Opérations de Yahoo ! Europe.
Aujourd’hui Isabelle dirige sa propre entreprise innovante en marketing, elle est aussi business-angel et tête de liste au mouvement Nous Citoyens pour la région Ile-de-France.
Rarement interviewée pour sa vie privée, elle partage avec nous l’histoire de son parcours exceptionnel et explique, comment les femmes peuvent tirer les bénéfices de mener d’un même front carrière et vie de famille.
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Le succès c’est avant tout une histoire personnelle. Pour moi le succès ce n’est le Succès avec un grand S mais comme le bonheur, il se décline en une multitude de petits succès quotidiens,
Isabelle, dans notre projet on essaye d’expliquer et de définir le sens du succès pour chacun. Alors, pour vous c’est quoi le succès ?
La notion de succès est bien évidemment différente pour chacun d’entre nous. Le succès, pour moi, est avant tout une histoire personnelle. Il faut déjà bien se connaître, être en phase avec soi-même et donc arriver à sincèrement déterminer ses propres priorités sans tabou en phase avec ses propres valeurs. Le succès, pour moi, est la réalisation d’objectifs personnels qui sont mon moteur, mon inspiration quotidienne et guide mes faits et gestes. Bien évidemment, le succès revêt un visage très différent d’une personne à l’autre, pour certain le succès sera d’être Chef d’entreprise, pour d’autres ce sera d’être artistes, ils reflètent une volonté personnelle profonde.
Après, il y a le succès tel qu’il est perçu par les autres et qui est plus lié à une réussite souvent, purement professionnelle. Il est une évaluation, une expertise de nos actions par les autres qui n’ont pas la même vision du monde que nous.
Le succès de chacun dépend aussi de cette vision externe : arrive-t’on à s’en détacher ou non ? Car son poids social est non négligeable. Pour certain, ce poids social est tel qu’il peut guider ou influencer largement leur vision personnelle du succès.
En résumé, le réel succès pour moi est de bien se connaître et de réaliser les choses qui me passionnent, d’en faire mes priorités, de respecter mes valeurs et que ces valeurs et priorités soient la source de mon inspiration quotidienne.
Mais parlant du succès, est-ce qu’on peut y trouver des différences par rapport au genre ? Est-ce qu’il existe une différence entre le succès féminin et le succès masculin ?
Aujourd’hui, à mon avis, et je vois cela comme une déformation de la société, le succès masculin est, avant tout, un succès social beaucoup plus que le succès féminin. Le degré d’autorité et de richesse restent des éléments primordiaux du succès masculin alors que le succès féminin a d’autres fondamentaux. Si je devais les représenter géométriquement ce serait plus comme un triangle isocèle à petite base et très haut pour le succès masculin et plutôt un parallélogramme plus large que haut pour le succès féminin, la largeur représentant le nombre d’éléments constitutifs du succès et la hauteur représentant le niveau de rémunération ou d’autorité espérées. Je trouve que le succès féminin recouvre une notion beaucoup plus équilibrée et large où l’épanouissement familial garde une place privilégiée. D’ailleurs, pour moi, le rôle de mère donne une force supplémentaire qui permet de mettre en perspective beaucoup de choses, de prendre un réel recul sur les évènements, les décisions, et, sur le succès lui-même, le faisant osciller d’un succès purement social pour le recentrer vers un succès plus personnel et plus sincère.
Aujourd’hui, ce qui est compliqué dans notre société, c’est que l’on pousse les hommes à avoir plus de responsabilités familiales mais on ne leur retire pas, on ne leur allège pas la pression sociale. Par exemple, aujourd’hui encore, le regard des gens dans la rue sur un homme poussant une poussette n’est pas du tout le même que celui que l’on porte sur une femme poussant une poussette alors qu’il ne devrait il y avoir aucune différence puisque l’on réclame un partage des tâches.
Et pour vous personnellement, entre travail et famille, vous mettez quoi plus en valeur ?
Pour moi, travailler est primordial. Travailler – est un élément essentiel de ma vie, et constitue un élément positif dans ma vie familiale. En effet, c’est un moyen pour moi de répondre à une de mes aspirations qui est d’apporter une petite brique dans la constitution de notre société.
Donc concilier vie professionnel et familiale est important.
Les outils numériques sont d’une grande aide et permettent plus de souplesse dans les agendas.
J’avais en tête cette philosophie de “Think Big”, et je voulais vraiment changer le monde.
Revenons un peu au début de votre carrière. En 1997 vous avez inventé Yahoo ! en Europe, quelles valeurs vous avez eu à cette époque ?
Je voulais changer le monde ! On avait l’impression d’avoir entre les mains un outil absolument incroyable, qui allait révolutionner l’accès à l’information, aux connaissances, à la manière de travailler. Ce qui était la vérité. Et on avait aussi l’intuition à cette époque, et puis… je n’étais pas toute seule à avoir installer Yahoo ! j’avais plutôt de la chance de faire partie de cette équipe qui a changé radicalement le monde numérique.
C’était le déploiement d’un nouveau modèle économique qui n’était d’un autre côté, que le développement d’un modèle classique des médias.
Ce fut une aventure incroyable ! Mais est-ce que vous avez eu peur à l’époque de plonger dans cet univers inconnu ?
J’avais 27 ans, j’étais jeune et je me suis dit : c’est là qu’il faut être si l’on veut vraiment changer des choses. Nous n’étions que six personnes dans l’équipe. Six personnes à avoir inventé ce projet en France, avec cette idée anglo-saxonne de “Think Big”, avec cette ambition de changer le monde. Donc je pense que j’ai peut-être pris un risque mais je me suis jetée dans cette aventure guidée par mon intuition. Ce fut une évidence.
Et vous croyez en votre destin ?
Dans la vie, je ne crois pas en la chance mais je crois dans l’existence de réelles opportunités et en la capacité ou non de les saisir. La chance a un côté passif, elle vous tombe dessus ou pas. Face aux opportunités vous restez actif : vous les saisissez ou pas. Donc pour moi, le destin c’est plutôt énormément de volonté, énormément du travail et des opportunités que vous saisissez.
Et puis, il faut toujours suivre ses passions, c’est là où on est les meilleurs. Ce choix qui peut parfois être difficile est un élément important du succès. En ce qui me concerne, j’ai toujours été passionnée par l’information, les rapports des médias avec la société – et c’est ce qui m’a guidé vers Internet en 1997.
Vous avez bien dit : gestion et pouvoir. En vous lisant sur Twitter on peut dire que vous êtes assez intéressée par la politique. C’est bien ça ?
Bien sûr. Je me suis portée candidate aux élections européennes en 2014 en France avec un nouveau parti politique issu de la société civile qui s’appelle Nous Citoyens. Ce mouvement politique dont j’ai été tête de liste pour les dernières régionales dans la région Ile de France, a eu la volonté à faire face de la montée du Front National. Parce que j’avais l’impression, et l’on a pu voir que c’était un avis largement partagé, que les partis traditionnels étaient incapables de le faire, donc il a fallu trouver de vrais citoyens qui n’avaient jamais été engagés politiquement auparavant, capables de créer un nouveau combat. Nous avons été capables de créer des nouvelles idées et surtout de montrer que l’Europe est une chance pour tous ! Nous avons eu la chance de porter en 2014 un message que porte aujourd’hui l’équipe de La République En Marche d’Emanuel Macron.
Mais on peut parler aussi d’une certaine évolution du discours politique, non ?
Effectivement ! Le discours politique a beaucoup évolué ces dernières années, car il y a eu une grande évolution des médias. Si on regarde les changements : on avait d’abord le Président de la République, bien assis dans son fauteuil avec des discours bien préparés par ses conseillers. Et maintenant, avec l’apparition des nouveaux médias les liens entre la société et le pouvoir sont devenus plus directs.
Regarder par exemple, les comptes de Trump ou de Macron sur Twitter – on voit bien la personnalisation de leurs messages. Mais finalement ceux sont les médias qui alimentent ce processus. Et c’est ce pouvoir médiatique qui m’a toujours intéressé.
On essaye de donner aux enfants les lignes de conduite plutôt que les contrôler.
On voit bien votre position professionnelle par rapport à la médiatisation de la société. Mais personnellement, en tant que mère de famille, comment est-ce que vous traitez ces changements du monde ?
Nous sommes plus dans la discussion que dans l’interdiction. Très rapidement nous avons tenté de les intéresser à la lecture en leur faisant découvrir des auteurs classiques et modernes. Ils ont un Kindle plutôt qu’un iPad. Les ordinateurs sont en libre accès avec un accès ouvert à Apple music et à des jeux que nous avons choisis ensemble comme Sim City ou le dernier qui les passionne : Kerbal Space Program.
Nous essayons de leur faire comprendre de l’importance d’avoir un esprit curieux et critique.
Quand vous dites “nous”, il s’agit de vous et de votre mari ? Vous éduquer les enfants ensemble ?
Bien sûr. C’est important. Et comme on a de la chance d’avoir des garçons passionnés par la musique, nous partageons cela avec eux. Puis nous avons des activités communes – balades, voyages…
Et pour vous personnellement, est-ce qu’il reste de la place pour le sport dans votre vie ?
Oui, j’adore marcher et j’essaie de marcher beaucoup notamment à Paris. Je pratique aussi la gymnastique et les pilates.
Je suis presque tout le temps connectée avec le travail.
Bonne alliance travail/ famille ! Mais est-ce que le travail vous manque quand vous êtes plongée dans la vie familiale ? Par exemple, pendant les vacances.
Pas forcément. Car aujourd’hui, l’avantage est que l’on peut rester connecté où que l’on soit. L’essentiel étant de bien gérer ces moments ou la manière de rester connecter pour arriver tout de même à se détendre. J’arrive à compartimenter sans difficulté, même si je suis presque tout le temps connectée pour être sûre que les choses se passent bien.
Et ce n’est pas fatiguant ?
Parfois oui, mais c’est important de contrôler le processus. Et puis, je ne suis pas toute seule, je délègue beaucoup.
Comment vous organisez votre vie quotidienne ? Vous avez des outils pour cela ?
Mon agenda numérique est un outil accessible à tous – planning de Google. Les messengers permettent de communiquer rapidement et bien sur le téléphone et le mail.
Est-ce qu’il existe des traditions dans votre agenda ? Une sorte de routine quotidienne ?
Écoutez… il y a les cafés du matin en bas du bureau. A part ça, je ne pense pas avoir de routine particulière.
Les journées sont toujours très différentes et c’est ce qui me plait. Je suis au bureau vers 8h30 et je suis toujours à la maison pour le dîner de mes enfants, que je dîne avec eux ou pas.
C’est bien d’avoir un planning avec des choses importantes à faire, mais parfois on peut être aussi bien procrastiné. Connaissez-vous la procrastination ?
J’essaie de ne pas remettre à plus tard ce que je peux faire dans l’immédiat. Si je peux faire quelque chose maintenant – je le fais pour gagner du temps après.
Je n’avoue ne pas laisser beaucoup de temps au cours de la journée à la procrastination ce qui parfois peut être important. Par contre le soir, je lis les news et navigue sur le net aux grés de l’actualité et des tweets.
Quel est votre conseil le plus important que vous donnez à vos garçons ?
Nous essayons de leur donner tous les moyens pour qu’ils puissent déterminer ce qui leur plait, et de privilégier les activités qui leur apportent satisfaction et bonheur et dans lesquelles ils se sentent à l’aise.
Et quel sera votre conseil à nos lecteurs et lectrices, aux gens inspirés par votre vie ?
Suivez vos passions !
Photos : Asya Moisseeva
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